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Régler des problèmes sociaux tout en visant la rentabilité d’une entreprise, voilà un projet au long cours qui exige d’être bien équipé et d’avoir le pied marin pour affronter la houle des déséquilibres sociaux. Prêt pour l’embarquement ?
par Henriette Niang, avec la collaboration d’Anne-Marie Pichette et de François Labelle
Toute équipée maritime nécessite de bien choisir son moyen de transport en fonction de son objectif. La pirogue, le caboteur et le cargo sont trois embarcations de tailles et de technologies fort différentes, conçues pour des besoins différents tout en étant chacune parfaitement adaptée.
C’est un peu la même chose pour l’entrepreneuriat social, avec ses diverses formules et ses objectifs variés. Pour nous aider à identifier les capitaines du changement social, Shaker A. Zahra, chercheur à l’université du Minnesota, propose, avec ses collègues, un professeur canadien et deux américains, une typologie des entrepreneurs sociaux en trois catégories : les bricoleurs, les bâtisseurs et les ingénieurs.
Une pirogue au service des besoins locaux
Une pirogue ne s’éloigne pas trop du rivage et sert généralement pour de petites distances. Elle convient particulièrement aux pêcheurs locaux qui connaissent bien les courants marins de leur région. Il en va de même pour le bricoleur social.
Par ses connaissances de sa communauté locale et souvent tacites, basées sur l’expérience, le bricoleur social se trouve dans une position unique pour découvrir les besoins sociaux locaux. Son financement repose souvent sur un soutien populaire, car il éprouve une certaine difficulté à faire reconnaitre la pertinence de son existence aux institutions financières.
Toute sa motivation repose sur le désir inlassable de répondre à des besoins locaux. Sa force réside en sa capacité à s’ajuster et à répondre rapidement aux circonstances changeantes.
Exemple de bricoleur social, Gilles Julien, médecin à l’origine de la Fondation du Dr Julien et des centres de pédiatrie sociale, œuvre depuis plus de 15 ans auprès des enfants pauvres des quartiers d'Hochelaga-Maisonneuve et de Côte-des-Neiges, sur l’île de Montréal. Son modèle d’intervention novateur a inspiré le déploiement de centres de pédiatrie sociale dans plusieurs communautés au Québec et au Canada. Malgré ce succès, l’entreprise sociale est souvent à court d’argent, avec un financement toujours incertain et provenant de la population, des entreprises privées et du gouvernement.
Le caboteur, modeste, mais plein d’ambition
Beaucoup plus mobile que la pirogue, le caboteur est doté d’un moteur. Il s’agit d’une embarcation modeste, transportant des marchandises sur de courtes distances, mais elle inclut une panoplie d’innovations techniques. Ceci va dans le même sens que le bâtisseur social qui, en usant d’innovation, lance et exploite des entreprises qui abordent des besoins sociaux non traités par les institutions existantes.
Le bâtisseur vise à remédier à des problèmes sociaux plus généraux. Il noue des partenariats et utilise de nouvelles techniques pour faire progresser ses activités. Il dispose d’une capacité particulière à rassembler le capital nécessaire. Cependant l’acquisition de ressources par le biais des projets de collaboration peut limiter ou même modifier sa mission. La nécessité d’acquérir d’importantes ressources peut le perturber dans la gestion et le maintien de son organisation.
Exemple de bâtisseur social, le Québécois Jean-François Archambault crée La Tablée des Chefs en 2002. Son objectif est de combattre la faim et les déficiences alimentaires des personnes à faibles revenus. Son système de courtage alimentaire fait le lien entre restaurants, hôtels ou promoteurs d’événements, et les banques alimentaires. Basée à Longueuil, la Tablée des Chefs intervient principalement au Québec, mais est également active en Ontario, en Alberta et au Mexique.
Ces cargos qui sillonnent toutes les mers
Avec les navires cargos, le rayon d’action s’élargit. Pensons aux bateaux frigorifiques, rapides, à l’esthétique soignée, qui ont changé la donne du commerce mondial. Ces cargos spécialisés transportent des denrées périssables à basse température grâce à des installations innovatrices.
Le cargo spécialisé correspond à l’ingénieur social qui après avoir identifié des problèmes au sein des systèmes et des structures sociales, y répond en apportant des changements révolutionnaires. L’ingénieur social est déterminé à introduire des changements spectaculaires pour s’attaquer à des questions sociales de grande envergure à l’échelle nationale, transnationale ou mondiale. Il fait usage de solutions innovantes et est capable de rassembler les ressources nécessaires lui permettant de parvenir non seulement à la reconnaissance par les institutions établies, mais aussi à leur transformation. Certes, ses ambitions peuvent devenir une menace à son évolution, car elles conduisent parfois l’ingénieur social à prendre des décisions qui entachent sa légitimité aux yeux de certains.
Ingénieur social reconnu, Alphonse Desjardins fonde la première caisse populaire en 1900 à Lévis, au Québec. Visionnaire, Alphonse Desjardins veut répondre au problème des prêts usuraires et instaurer un véritable changement social à partir de chaque paroisse en donnant accès à l’épargne et au crédit à la classe ouvrière. Plus de 100 ans plus tard, le Mouvement des caisses Desjardins est non seulement le plus grand groupe financier coopératif au Canada, mais il figure aussi parmi les institutions financières les plus sûres de la planète selon le palmarès World’s 50 Safest Banks.
Attention aux bateaux pirates !
Toute embarcation, pirogue, caboteur ou cargo, pourrait s’adonner à une mission pirate. Devant son pavillon noir, tous le fuiraient. Il en va de même pour l’entrepreneur social. Des manquements à l’éthique entraînent la perte de confiance des organismes qui le soutiennent ainsi qu’une réticence de sa clientèle à souscrire à ses services.
Selon l’ampleur des changements sociaux envisagés et la force d’ambition de l’entrepreneur social, les risques de déviations éthiques augmentent. Mais peu importe leur champ d’action, pour maintenir leur crédibilité, les trois types d’entrepreneur social doivent répondre à des exigences éthiques élevées.
Prévenus des écueils, vous pouvez maintenant enfiler votre gilet de sauvetage et embarquer pour changer le monde !
Pratiques clés | @vigiepme #ddpme |
Réponse aux besoins, changement social, création de richesse, voilà les mots d’ordre des entrepreneurs sociaux. |
Pour en savoir plus
Zahra, Shaker A., Gedajlovic, Eric, Neubaum, Donald O., et Shulman, Joel M. (2009). A typology of social entrepreneurs: Motives, search processes and ethical challenges. Journal of Business Venturing, 24 (2009) 519–532.
- La Fondation du Dr Julien : http://www.fondationdrjulien.org
- La Tablée des Chefs : http://www.tableedeschefs.org
- Le Mouvement Desjardins : http://www.desjardins.com/fr/a_propos/profil/histoire/alphonse-desjardins.jsp
Pour d’autres pratiques ancrées dans l’action, consultez le site de Synapse, notre partenaire de l’Université du Québec à Chicoutimi
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Le site d’échange, de participation et de collaboration sur des thèmes de développement durable : http://synapse.uqac.ca |
À propos des auteurs
Henriette NIANG est étudiante au programme de MBA de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
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Une initiative du Laboratoire de recherche sur le développement durable en contexte de PME – Institut de recherche sur les PME de l’UQTR
Direction : François Labelle ( This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it ) – Rédaction en chef et coaching : Anne-Marie Pichette ( This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it )